Maisons de Retraite: il faut trouver une solution pour les classes moyennes


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Maisons de Retraite: il faut trouver une solution pour les classes moyennes
Maisons de Retraite: il faut trouver une solution pour les classes moyennes
La présidente de Korian, un des principaux acteurs privés spécialisés dans les maisons de retraite, les cliniques de soins de suite et les cliniques psychiatriques, estime que son groupe ne doit pas se contenter de répondre à la demande des populations les plus aisées. Il doit aussi développer une offre de maisons de retraite accessible à un public plus large.




Vous avez commencé votre carrière professionnelle en 1976 à l'Inspection générale des affaires sociales. Cette mission d'inspectrice vous avait conduite en 1979 à publier un livre sur les soins aux personnes âgées. Depuis 2006, vous présidez le directoire de Korian. En l'espace de trois décennies, comment le paysage de la dépendance a-t-il évolué ?
Les comportements ont totalement évolué. On pourrait dire, en caricaturant, que le résident d'une maison de retraite il y a encore dix ou quinze ans était un veuf ou une veuve cherchant un partenaire au Scrabble après le décès de l'être cher. Nous avons encore ce type de population, mais les nouveaux entrants arrivent de plus en plus âgés, car ils veulent désormais rester à leur domicile aussi longtemps que possible. C'est un bouleversement complet pour les Ehpad (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), car nous devons faire face à une dépendance de plus en plus lourde. Pensez que nos résidents ont un âge moyen de 86,7 ans, que 55 % d'entre eux circulent en fauteuil roulant, que 55 % également -ce ne sont pas forcément les mêmes -souffrent de la maladie d'Alzheimer. Et les pathologies sont multiples : on en rencontre 6,3 par personne en moyenne.
Dès lors, à côté de nos tâches traditionnelles, prendre soin de nos patients, maintenir et si possible développer leurs capacités physiques et intellectuelles, nous devons de plus en plus traiter des problèmes médicaux. Face à cette médicalisation croissante, la difficulté est d'assurer ces deux fonctions sans ressembler à l'hôpital.

Quelles sont les conséquences de cette médicalisation croissante sur le prix de journée ?
Face à cette aggravation de la dépendance et dans un souci légitime de protection de gens de plus en plus fragiles, les pouvoirs publics ajoutent des normes. Le résultat, c'est qu'en l'espace de trois ans les coûts de construction des Ehpad ont augmenté de 30 %, ce qui se répercute évidemment sur les prix de journée. Avec un prix de journée de 75 euros en moyenne, TVA comprise -moins de 60 euros pour les établissements les plus anciens et jusqu'à 100 euros et plus pour les plus modernes et confortables -, le secteur privé commercial, qui totalise 22 % de l'offre contre un peu plus de la moitié pour le secteur public et un gros 30 % pour le secteur associatif, sait répondre à la demande des populations aisées. Les bénéficiaires de l'aide sociale sont par ailleurs pris en charge par la collectivité. Mais les classes moyennes ont de plus en plus de difficultés à financer les séjours en maisons de retraite médicalisées. Par ailleurs, il y a des inégalités géographiques flagrantes : nous et nos concurrents nous sommes naturellement développés dans les régions riches et denses, puisque c'est là que réside la clientèle la plus aisée. Mais nous avons délaissé les régions rurales.
Tout en ayant contribué par les normes à augmenter le prix de séjour, les pouvoirs publics demandent donc de plus en plus à l'ensemble des acteurs de corriger ces inégalités sociales et géographiques. Et le secteur privé est naturellement en première ligne sur ce dossier puisqu'il a les moyens financiers de créer de nouveaux lits ou d'en rénover sans subventions. Bien sûr, nous pourrions nous contenter de rester sur le créneau des populations aisées. Mais j'estime qu'il est de notre devoir de trouver une solution pour les classes moyennes. Nous sommes un groupe privé, mais exerçons aussi des missions de service public. C'est également notre intérêt, en tant que leader du secteur, d'élargir notre gamme.

D'où votre idée, lancée il y a un an, d'une maison de retraite « à bas coûts ». Où en êtes-vous de cette réflexion ?
Ce concept, que nous avons baptisé Korian Essentiel, vise à ramener le prix de journée sous les 60 euros, sans subventions, tout en offrant la même qualité de prise en charge et en dégageant la même rentabilité pour les actionnaires. Comment comptons-nous faire ? Nous avons imaginé un bâtiment structuré en petites unités de vie, les chambres étant situées autour d'un espace commun servant d'animation, de salle à manger, et géré par ce qu'on pourrait appeler une maîtresse de maison assurant l'excellence de la prise en charge. Le concept est proche de ce qui a été réalisé à l'hôpital Bretonneau. Mais l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l'établissement public qui le gère, n'a pas cherché à l'optimiser, ne s'étant pas assez préoccupée du lien entre l'investissement et le fonctionnement (nombre d'infirmières et d'aides-soignantes par équipe, en particulier). Nous avons donc défini la taille optimale de l'établissement : elle est de 98 lits, un multiple d'unités de vie de 14 et 28 lits. Nous avons également élaboré un mode constructif innovant, composé de modules fabriqués en usine et individualisés sur place. Il nous permet de faire chuter le coût de construction de 200 euros le mètre carré, pour parvenir à 1.300 euros. Et nous avons bien sûr passé en revue tous les éléments du compte d'exploitation pour ajuster les prix.

Vous vous heurtez cependant toujours aux normes, et au prix du foncier…
Effectivement. Pour les normes, nous demandons une approche pragmatique de la part des pouvoirs publics. Dans le cadre d'une organisation reposant sur des unités de vie, si l'on m'oblige à prévoir, en plus des espaces communs, une salle de restaurant pour tout l'établissement alors qu'elle ne servira que trois fois par an, il est clair que j'aurai du mal à serrer les prix ! Quant au foncier, si, comme elle le fait souvent déjà pour les secteurs public et associatif, une collectivité accepte de le donner, on peut alors descendre sous les 60 euros de prix de journée.

Comptez-vous bientôt montrer une première réalisation ?
En attendant de pouvoir déposer nos premiers dossiers auprès des ARS (Agences régionales de santé créées par la loi Hôpital, patients, santé, territoires), nous allons tester notre concept Korian Essentiel pour certaines de nos extensions.

Dans le cadre de la réforme des autorisations des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les collectivités locales devront désormais lancer des appels à projets. Est-ce que cela contribuera à lutter contre l'inflation des prix ?
J'en suis persuadée. Le problème du prix de journée devient un élément de plus en plus important sur le plan politique. Les appels à projets vont d'une part contribuer à rééquilibrer l'offre sur le plan géographique, mais aussi faire baisser les prix pour les nouveaux projets, sans pour autant remettre en cause notre offre existante. Les premiers appels à projets expérimentaux le montrent clairement.

Les principaux actionnaires de Korian sont des compagnies d'assurances. Y a-t-il des synergies entre vos activités et les leurs ?
Oui, de nombreuses, car nos actionnaires s'intéressent beaucoup au sujet, et pas simplement pour trouver un relais à leurs produits financiers tels que le contrat dépendance. Et ils ont une vision à long terme. Predica, du groupe Crédit Agricole, nous a, par exemple, introduits auprès des Caisses du Crédit Agricole situées dans des zones rurales. Pour elles, attirer un Ehpad est un moyen de développement économique de la région, et cela retient aussi leur clientèle sur place puisque, en zones rurales, la majorité de nos résidents possède un compte au Crédit Agricole. Autre exemple : Malakoff Médéric a développé un premier partenariat industriel avec nous pour améliorer son offre vis-à-vis de ses assurés dans le domaine de l'accueil temporaire en Ehpad.

Mais les établissements de Malakoff Médéric sont concurrents des vôtres ?
Oui et non. En fait, nous ne sommes concurrents que sur une même zone géographique. En outre, le besoin est très grand, compte tenu du vieillissement de la population. A l'occasion de l'introduction en Bourse de notre concurrent Médica, notre actionnaire Prédica est ainsi entré à son capital, sans avoir vocation à gérer Médica. Sa présence au tour de table de Médica ne nous gêne nullement.

La maltraitance des personnes âgées est un des dossiers noirs des maisons de retraite. Comment peut-on le régler ?
Organiser la bien-traitance dans nos établissements, c'est mon obsession. Chez Korian, nous avons d'abord imposé aux établissements que les équipes pluridisciplinaires élaborent un projet personnalisé pour chaque résident, bâti sur l'histoire de sa vie, sur ses aspirations, ses goûts et ses besoins. Nous avons ensuite écrit tous les protocoles de prise en charge. Puis nous avons créé un dossier de résident informatisé, que nous déployons progressivement. Il nous permet de nous assurer que les protocoles et procédures sont suivis. Pour éviter que ces procédures ne transforment les personnels en machines, je boucle avec une dernière obligation : l'établissement doit organiser très régulièrement, avec tous les professionnels, des réunions examinant les cas particuliers des personnes.

Le gouvernement a une nouvelle fois reporté la mise en place d'un « 5e risque » de Sécurité sociale, pour la prise en charge de la dépendance. Est-ce une mauvaise nouvelle ?
C'est fâcheux parce que, tant que l'Etat ne dit pas ce qu'il va faire, les assureurs auront beaucoup de mal à développer les contrats de dépendance privés. C'est difficile lorsque l'on ne sait pas quel sera le socle assumé par la solidarité nationale. Sur le fond, il faut reconnaître qu'une grande partie de la dépendance est déjà prise en charge par la collectivité : l'assurance-maladie pour les soins, l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) versée par le département et, enfin, l'aide sociale. Mais le problème de la somme qui reste à la charge des personnes âgées dans les maisons de retraite subsiste pour les classes moyennes. Il n'est pas scandaleux que les résidents supportent les frais d'hébergement : le gîte et le couvert. Mais aujourd'hui le tarif d'hébergement comporte plus que cette prestation ; il inclut également tous les frais de gestion liés à la dépendance. Il faudrait donc faire bouger le curseur pour ne laisser à la charge du résident et de sa famille, comme en Allemagne, que les sommes supportables. Il faut alors trouver de nouveaux financements, mais attention à l'équité intergénérationnelle ! Les actifs sont déjà très sollicités par le biais des impôts et des cotisations.

Source: LesEchos

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